Interview Portrait : STEN « Faire un Bercy, c’est une ambition première ! »
Pour commencer cette nouvelle rubrique d’interview d’artistes, nous avons eu la
chance de recevoir lors d’un de nos concerts, un jeune artiste nommé « Sten », à
l’énergie débordante et au talent unique qui a bien voulu jouer le jeu pour nous faire
découvrir son univers à travers quelques questions.
L’Oreille cassée : Bonjour Sten, tout d’abord, peux-tu te présenter s’il te plaît.
Sten : Je m’appelle Stan, mon nom d’artiste est Sten. J’ai 23 ans et cela fait six ans
que je rappe dans ma chambre, quatre mois que ça commence à sortir un petit peu !
Sinon, je suis aussi ingénieur du son, en plus d’artiste.
Comment t’es-tu lancé dans la musique ? As-tu eu une inspiration qui t’as
donné envie de commencer le son ?
Au niveau artistique, j’ai toujours été inspiré par la trap française. J’ai beaucoup kiffé
tout ce qui était Vald, Josman et Laylow. Je pense que c’est vraiment mes trois
artistes référents. En vrai, pour moi. ça a commencé par des conneries avec les
potes et puis je me suis dit « mais attends, tu peux peut-être en faire un truc, tu peux
peut-être parler de tes problèmes, ça peut être une catharsis, une sorte d’exutoire ».
Et au final, je n’ai jamais arrêté et j’aime trop ça, la musique m’aide. A chaque fois,
que j’ai un souci, je le transforme en morceau, et ce n’est plus un problème ! J’aime
beaucoup cette manière de bosser.
Quand tu as commencé la musique, le rap était une évidence ?
Je suis un gros, gros fan du rap français. J’ai beaucoup bossé avec Rocé, qui est un
ancien rappeur de l’époque qui rappait avec la mafia K’1 Fry et qui est une pointure.
Il a une culture musicale incroyable. Je kiffais le rap de base, mais lui m’a fait
découvrir un nouveau monde. Après, je ne suis réfractaire à aucun style de musique
car pour moi c’est une expression artistique. Je peux écouter de la techno, comme
j’écoute de la pop, du punk, ou du métal, je passe par tous les styles. Mon style de
prédilection c’est le rap, et beaucoup le rap français. Je peux kiffer un son de rap
américain mais j’aime trop la couleur qu’on a en France. Et, pourquoi je suis allé
dans le rap directement ? C’est que ma mère m’a toujours dit depuis petit que je ne
serai jamais chanteur parce que j’ai une voix que je ne sais pas gérer. Je n’ai jamais
pris de cours de chant, ni de cours de musique. A la base, je ne devrais pas me
retrouver là. J’ai juste des trucs à dire et j’arrive à les caller dans les temps. J’ai fait
beaucoup de danse et cela m’a beaucoup aidé pour le rap. Cela m’a permis de
comprendre les temps. Comme je ne savais pas pousser la voix, je me suis dit « viens
on fait du rap, mec ». Donc ça s’est fait comme ça !
Comment consacres-tu ton temps à la musique, sachant que tu en fais ton
métier à coté ? Est-ce comme on dit : « tu vis, manges, dors musique » ?
Alors ouais, c’est un peu ça. Parce que, je travaille jeudi, vendredi, samedi et
dimanche soir en tant qu’ingénieur du son. Et, le reste du temps, mes journées nesont jamais vraiment occupées, comme je ne travaille que le soir, je suis rythmé par
des horaires de vie de base de 18h à 7h du matin. Le soleil est quelque chose que je
ne connais pas ! Et mes journées, je les passe à faire du son. En général, quand j’ai
envie d’aller au studio enregistrer un morceau, pour tester des toplines, j’y vais vers
10 heures, et je passe la journée au stud’. Et le soir, je vais au taff. Je prends un ou
deux jours de repos par semaine, où vraiment je dors. Et le reste du temps, je
travaille ou je fais du son ! De toute façon, il n’y a que comme ça que ça marche. Et,
quand je fais ni l’un, ni l’autre, c’est que je suis enfermé dans ma grotte en train
d’écrire ou en train de jouer au jeux vidéo, et ça fait bien plaisir.
Dans un de tes sons, tu nous dis que tu as fait deux ans de psychologie et que
cela t’a appris des choses sur toi. Peux-tu nous expliquer ta phrase, nous dire
ce que tu as pu comprendre ?
On part sur un cours de psycho ! Je suis sortie du lycée, j’avais 17 ans. Je ne savais
pas trop quoi faire. J’en ai beaucoup parlé avec ma mère et elle m’a dit que j’aimais
bien m’occuper des gens, que j’avais un bon contact avec les humains. Elle m’a donc
proposé de faire de la psycho. J’ai été d’accord, la psycho me « hype » bien. J’ai donc
fait deux ans de psychologie à l’école de psychologue praticien, qui est une
excellente école de psychologie à Paris. Pour ceux qui veulent se lancer dans la
psychologie, il faut savoir que ce n’est pas simple du tout. Les études semblent
simples parce que c’est beaucoup de théorie et tu l’adaptes au patient. Mais c’est
des études qui sont tellement intenses en terme émotionnel que ce n’est pas pour
tout le monde. On va se prendre sur soi tout ce qui nous fait mal. Il y a plein de cours
où on parlait de sujets qui m’affectent beaucoup. Si on ne met pas de distance, c’est
ultra compliqué à faire comme études. J’ai pu apprendre pleins de trucs, comme des
mécanismes psychiques, des choses sur la santé mentale. Et j’ai réalisé à quel point
c’était important d’en prendre soin. Il y a tellement de gens qui ont tendance à
négliger ce côté-là. Une maladie mentale, c’est une vraie maladie. Il ne faut pas
hésiter à dire aux autres quand ça va mal. Vivez pour vous, avant de vivre pour les
autres. La psychologie, on la ressent dans mes sons, j’en parle dans beaucoup de
textes.
On va parler maintenant du clip que tu as sorti : « Dessert ». Est-ce que tu peux
nous expliquer l’esthétique que tu as voulu installer, le personnage que tu
joues ? Et comment s’est passé le tournage ?
Bien sûr, je peux tout te raconter ! Alors, Dessert s’est fait avec mon ancien
manager, c’était donc avant Ground Control, c’est mon premier single. Dessert c’est
un morceau que j’ai écrit depuis cinq ans, c’est l’un des premiers morceaux que j’ai
écrits. J’ai toujours trouvé qu’il avait une atmosphère, quelque chose de cool. Pour
moi, Dessert, je l’ai toujours visualisé un peu comme un truc démoniaque, parce qu’il
y a le coté dessert qui est très enfantin, et tu as une scission avec la phrase d’après
« j’attends pas de vivre, je guette le décès ». En fait, cette rime, elle illustre l’entièreté
du truc. C’est à dire, qu’il y a des fois où je me kiffe de ouf, pour moi je suis le
meilleur de la terre entière et il y a de grosses phases où, je suis en mode « gros tu
n’y arriveras jamais ». Cette dualité, je voulais qu’elle se ressente sur Dessert. Mon
démon et mon ange. L’esthétique, elle est tournée sur une première partie où, je ne
comprends pas ce qu’il m’arrive parce que c’est souvent indépendant de moi, c’est
vraiment en fonction de l’environnement extérieur, de mon état de pensée à cemoment-là. Toute la première partie est basée sur un gars qui débarque, qui a l’air
gentil. Il voit qu’il n’est pas comme les autres, qu’il ne capte pas comme les autres,
mais il ne sait pas trop ce qui lui arrive. A partir, du moment où je tombe dans mon
assiette et qu’il y a le sang, je tourne complètement en « dark mod », et c’est un peu le
côté obscur de la force. C’est comment tous tes problèmes peuvent réussir à te
rendre fou, au point où tu ne crois plus en personne, que tu ne crois plus en toi, que
tous tes démons prennent le contrôle.
Et comment s’est passé le tournage ?
Pour faire ce clip, j’ai tourné avec le gars qui a fait tous mes « freestan » disponibles
sur Instagram, qui s’appelle « je ne dors pas », et qui est un excellent réalisateur…
Messieurs dames, si jamais il y en a qui ont envie de faire du son… On a toujours eu
une esthétique un peu similaire tous les deux. Cela s’est grave bien passé. Le seul
truc que je reproche à Dessert c’est sur l’enregistrement. C’était ma première séance
en studio, en vrai studio. Et, dans un vrai studio, ça ne se passe pas du tout pareil
que quand tu enregistres comme ça pour rigoler avec les copains. C’est vraiment
sérieux, méthodique et je n’avais pas cette rigueur de travail à l’époque ; du coup, je
trouve que cette interprétation, elle aurait pu être mieux faîte, mais je suis hyper
content parce qu’elle rend hyper bien en live. C’est le seul truc que je reproche à
Dessert, car sinon je trouve que c’est un putain de titre. D’ailleurs, comme c’est mon
premier morceau, je me le suis tatoué sur le bras, je me suis tatoué un gâteau
d’anniversaire !
Pourquoi le titre « Dessert » ?
Pourquoi Dessert ? C’est quelque chose de particulier avec ma miff. A chaque repas
de famille, ça part toujours au moment du dessert. Il y a toujours un oncle qui sort
une connerie, une grand-mère qui en a marre ou des choses comme ça. Et en fait,
avec mon cousin, on a une technique depuis longtemps. On se dit « Dessert » et on
boit jusqu’au dessert, pour ne plus les calculer. Pendant qu’eux se disputent, nous,
on est juste bourrés, assis à la table à se taper des barres. C’est pour ça que ma
première phrase, c’est « je suis toujours flex pour le dessert » !
As-tu un projet qui va bientôt sortir ? Un nouveau clip, EP, album ?
On est sur des exclus là ? J’ai signé avec Ground Kontrol, il y a deux mois. Je suis
un artiste tout récent dans le label. Avec mon ancien manager, nous n’avions pas
beaucoup de choses de côté. Donc, j’ai énormément d’écrit, j’ai énormément de
maquettes qui sont posées. Là, on est revenu d’une résidence qu’on a fait avec
Walkman The Soul à Lille, on a de la matière. Maintenant on va chercher à sortir
quelques trucs afin d’avoir une image, une esthétique, donner une direction
artistique. Je pense que nous allons sortir des Singles mais on n’a pas encore
planifié les sorties donc il n’y a encore rien de vraiment précis à annoncer. Ensuite,
on se concentrera sur l’EP afin de mettre en exergue ce qu’on a déjà apporté avec
les singles. On va dire que les singles ça va être les piliers de la direction artistique
qu’on veut prendre chez Ground Kontrol.
Quels sont tes objectifs dans la musique ? En tant qu’ingénieur son et artiste ?
Il y a un moment où je devrai raccrocher si ça marche pour moi en tant qu’artiste, ce
que j’espère. Il y a un moment où il va falloir que je raccroche la technique, parce
qu’on peut allier les deux en terme de savoir mais pas forcément sur le moment.
Après, faire un Bercy dans les deux cas, que ce soit en tant qu’ingé son ou artiste,
c’est une ambition première tu vois. Mais je suis un petit connard ambitieux. Je ne
suis pas du genre à me dire que ça peut marcher, je suis du genre à me dire « ça va
marcher ». J’ai très envie de me dire que j’ai tout fait. Peu importe les salles, faire une
tourner à l’international, faire un stade de France. Je me dis juste que si je suis
capable de le faire correctement, ça va être fait. Le fait de ne pas douter, ça
t’empêche de te priver de plein de choses. Tu vois ton point A, ton point B et tu y vas
c’est tout, tu ne te poses pas de questions. Tu le fais et s’il y a des erreurs ce n’est
pas grave. Dans tous les cas, à la fin, tu seras là où tu as envie d’être depuis le
début. Pour moi l’ambition c’est trop important. Je ne me fixe pas d’objectif précis
pour l’instant, à part le Bercy, parce que je veux faire par étape. Le Bercy ce ne serait
que le premier truc. J’ai trop envie d’avoir une D.A. (direction artistique) qui va
changer à un moment mais de manière drastique. J’ai déjà une idée en tête. Je ne
peux pas la dire maintenant, parce que c’est du maxi spoil, mais l’idée elle tue. On
n’est pas à l’abri que dans dix ans, je sorte un putain d’album de métal qui n’aura rien
avoir avec ce que j’ai fait avant, ou de la hyperpop qui part dans tous les sens ou ça
sera hyper joyeux, où j’aurai fini avec ma phase triste où j’aurais tout accompli dans
le perso de Sten et que je change complètement. C’est le genre de vibes, que j’aime
trop. J’aime pas rester bloqué dans un truc, j’ai besoin de tout explorer tout le temps.
J’ai besoin de trop, tout le temps. Je suis toujours dans les excès.
Ton morceau du moment ?
C’est « freestyle d’adieu » de Kikesa. C’est un freestyle de 3 minutes où il découpe, il a
des placements qui sont chirurgicaux, c’est incroyable ! Il y a aussi « ta peur » de
Kerchak feat Ziak, je trouve ça incroyable comment Ziak arrive sur le morceau !
Une anecdote drôle à partager ?
C’est une anecdote sur notre résidence à Lille avec Walkman The Soul ! On est parti
en résidence une semaine après que j’ai signé. On se pose dans un bar, et on parle
de son et il y a un gars qui vient nous aborder. Il nous dit qu’il nous a entendu parler
de son, il se présente en nous disant que lui aussi fait du son, qu’il a des maquettes
mais qu’il n’a jamais été en studio. Avec Walkman, on lui propose de s’asseoir avec
nous. Il nous montre ses maquettes. Son nom est légendaire parce qu’il s’appelle
« Big Raxxx toujours dans le truk ». Avec Walkman, on se comprend et je lui dis « viens,
on fait un feat ! ». On a été au studio et on a enregistré trois morceaux avec Big Raxx
qui sont « Ride », « Sale », et « Pas le temps » que nous devons retravailler. On a
passé un bon moment, il rentre chez lui. Puis, un moment, je demande à Walkman
s’il a pris son numéro, et on s’aperçoit qu’on n’avait pas de moyen pour le joindre.
Les trois titres sont des bingers donc je suis obligé de les faire sur scène, avec un
gars Big Raxxx toujours dans le truc qu’on ne connait pas. Et ça c’est légendaire !
Pour finir cette interview, aurais-tu quelque chose à nous dire ?
N’hésitez pas à venir nous voir ! L’équipe Ground control c’est le futur ! Là, je n’ai
parlé que de moi, mais, dans Ground control, on a aussi Ophélia qui est une
excellente chanteuse, Fénom qui est un putain de MC, il a une plume de bâtard.
Cela va juste être le futur ! On va avoir un son qui va avoir une couleur incroyable, on
a une équipe qui est ultra propre, ultra pro.
Mettez-vous sur Ground Control, l’équipe !
Propos recueillis par Diane ATALAPHE